Témoignages sur l’implication bénévole en période de COVID-19 au Québec
Entretien avec Joan Anderson, Vice-présidente, Service aux familles, Mission Bon Accueil
Le 15 janvier 2021
Joan Anderson a travaillé dans le secteur privé, plus précisément dans l’industrie des équipements de lutte contre les incendies de forêt pendant 26 ans, dont beaucoup à un poste de direction des opérations. En avril 2012, elle commence à travailler pour la Mission Bon Accueil dans un poste de direction des opérations. Actuellement, Joan est responsable des entrepôts, des achats et des transports qui fournissent tous les services de la Mission ainsi que des services aux familles avec notamment les deux marchés, le service de soutien scolaire et le service de référencement.
Fondée en 1892, Mission Bon Accueil est devenue la plus grande porte d’entrée pour venir en aide aux Montréalais et Montréalaises dans le besoin. Plusieurs programmes de soutien sont offerts aux personnes en situation d’itinérance, aux jeunes mères, aux familles démunies et aux jeunes en difficultés. Mission Bon Accueil vise à donner de l’espoir par des actions concrètes et des solutions efficaces dans plusieurs secteurs de la ville à la fois au niveau du logement, mais aussi au niveau du soutien alimentaire d’urgence. La Mission est la plus grande banque alimentaire de Montréal en termes du nombre de personnes desservi par le service. Pendant la pandémie de Covid-19 (2020), Mission Bon Accueil a mis en place des refuges d’urgence dont le plus connu est celui de l’hôtel de la Place Dupuis dans le centre-ville de Montréal.
Diane Alalouf-Hall (DAH): Quel a été l’impact de l’annonce du confinement le 13 mars 2020 sur votre organisme et sur vos bénévoles ?
Joan Anderson (JA) : Quand le confinement a frappé, notre première priorité était de veiller à ce que nos clients vivant dans l’insécurité alimentaire continuent à recevoir des services. Bien que nous ayons dû fermer temporairement notre bureau d’admission, nous avons servi tous ceux qui sont venus nous voir et qui avaient besoin d’aide y compris ceux dont les banques alimentaires qu’ils fréquentaient avaient fermé ainsi que ceux qui avaient temporairement perdu leur emploi. Il y avait urgence. Personne n’a été oublié pendant cette période de transition. Du côté des bénévoles, les personnes ainées ont cessé leurs activités en raison des restrictions qui ont été mises en place pour les personnes de plus de 70 ans. On a perdu beaucoup de bénévoles pendant cette période. Cependant, de nouvelles bénévoles sont apparues suite à l’appel du gouvernement à la fin mars 2020. C’était majoritairement des étudiants-es dont les universités avaient fermé leurs portes et des personnes salariées dont les entreprises étaient également fermées. De cette situation, nous avons pu recruter quelques nouveaux bénévoles. Pour faire tourner nos activités, nous avons besoin de 1 300 heures de bénévolat par semaine, représentant entre 300 et 350 bénévoles actifs. Je pense à des services tels : faire le marché, aider au triage de la nourriture avant la distribution, à la préparation et au service de repas dans les refuges, mais aussi à la livraison, lequel est un nouveau service né de la pandémie.
DAH: Qu’avez-vous pu mettre en place et observer entre la 1re vague et la 2e vague de la pandémie ?
JA : Notre gros travail a été de rassurer et de développer des mesures efficaces de sécurité pour nos bénévoles et nos bénéficiaires. Évidemment, nous suivions les consignes gouvernementales, mais il fallait les adapter à nos activités. En mars, pour nous assurer de pouvoir continuer à servir nos clients en toute sécurité, nous avons déplacé la distribution à l’extérieur. Les clients attendaient à l’extérieur dans une file qui respecter la distance de sécurité de deux mètres entre chaque individu et nous avons fourni des sacs de nourriture préparés à l’avance par des bénévoles. Lors de la préparation des sacs de nourriture que nous distribuions, nous avons veillé à ce que les bénévoles respectent les mesures de sécurité, notamment le port de masques, l’utilisation de désinfectant pour les mains et le maintien de la distance sociale. Pour y parvenir, nous avons mis en place des stations de triage tout au long de la Mission. Dans notre salle de triage, nous avions l’habitude d’avoir 20 à 30 bénévoles en même temps et ce nombre a été réduit à huit. Nous avons installé quatre stations de triage supplémentaires dans d’autres endroits de la Mission pour nous assurer que le travail pouvait être effectué en toute sécurité. En juin, lorsque nous avons rentré le service de distribution à l’intérieur, nous avons mis en place sept stations de distribution avec du plexiglas séparant les clients et les bénévoles qui offraient la nourriture. Les clients suivaient un circuit s’arrêtant à chaque station pour choisir parmi les 5 à 7 produits différents proposés à chaque station. Avec sept stations, nous avons remarqué que le temps d’attente de nos clients à l’extérieur était trop long, si bien qu’en novembre, avant le froid intense de l’hiver, nous avons doublé le nombre de stations, qui est passé à 14. Grâce à ce changement, nous avons pu servir jusqu’à 25 ou 30 personnes par demi-heure sans une longue attente à l’extérieur. Les bénévoles étaient très motivés-es et nous ont toujours fait part de leur feed-back. C’était très utile pour faire des ajustements.
DAH: Comment les bénévoles ont-ils apporté leur aide pendant les neuf derniers mois ?
JA : Justement, comme j’en parlais un peu plus tôt, chez Mission Bon Accueil, le service de livraison n’existait pas avant la pandémie. Il s’est développé grâce à un engagement sans faille des bénévoles. Nous avons vu une annonce d’un entrepreneur qui avait organisé un service de livraison pour tous ceux qui en avaient besoin, y compris les organisations et les personnes qui ne pouvaient pas quitter leur domicile. Nous l’avons contactée. Son équipe de bénévoles ont fait beaucoup de livraisons de paniers alimentaires issus de son propre réseau et pas seulement pour Mission Bon Accueil. Cette équipe de personnes est venue en aide à tellement de monde ! C’est incroyable. Cette initiative est à l’origine d’un nouveau service de livraison que nous offrons maintenant et que nous souhaitons voir durer dans le temps en particulier pour les personnes ainées et les personnes atteintes de maladies graves.
Autre sujet, les commentaires des bénévoles dans leur travail de distribution alimentaire (stations) nous ont permis de proposer des ajustements. Comme il s’agit d’un circuit, cela peut être un peu long, car il faut se suivre, évidemment sans se doubler les uns les autres. Une bénévole nous a fait remarquer que la station « viande » était mal placée dans le circuit de distribution alimentaire. Comme tout le monde ne consomme pas de viande, la station à l’endroit où nous l’avions située créait des embouteillages supplémentaires. Grâce à son observation, nous avons décidé de déplacer la station en question en dernière position du circuit. Cette amélioration a été possible grâce à l’observation et au dévouement de nos bénévoles.
DAH: Comment envisagez-vous l’après-COVID ?
JA : Après la pandémie, nous continuerons à avoir besoin de bénévoles surtout pour l’aspect livraison que nous souhaitons absolument développer. Nous avons pu constater son utilité pendant la pandémie. Nous avons toujours besoin de bénévoles pour offrir tous nos services à ceux qui en ont besoin! Par ailleurs, nous souhaitons continuer à travailler en collaboration avec d’autres organismes. Par exemple, en mars, lorsque la pandémie a forcé le confinement, nous n’avons pas pu ouvrir notre site de Montréal-Nord pendant quelques semaines. Nous avons travaillé avec des organisations partenaires de Montréal-Nord pour nous assurer que nos clients, qui ne pouvaient pas venir à Saint-Henri pour la nourriture, pouvaient toujours recevoir des services. Les Fourchettes de l’Espoir ont accueilli nos clients pour qu’ils viennent chercher la nourriture que nous leur avons fournie. Nous avons également pu fournir des sacs supplémentaires de nourriture préparée pour aider à servir les personnes dans le besoin à Montréal-Nord. Même si c’était difficile à mettre en place au début, tout s’est très bien passé. Les organisations continuent à travailler ensemble (via Zoom) pour trouver des solutions à l’insécurité alimentaire dans la région de Montréal-Nord.
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L’organisme a reçu plus de 1 400 demandes supplémentaires au pire moment de la pandémie en 2020. Mission Bon Accueil a dû s’adapter rapidement. Sur ces 1 400 nouvelles demandes, 200 sont restées, les autres ont besoin d’une aide temporaire. Les processus d’adaptation (3 changements structurels ont été mis en place dans le service de distribution alimentaire) ont été difficiles, mais le personnel était motivé et dévoué au service des bénéficiaires. Les deux premières vagues ont été des épreuves pour de nombreux secteurs d’activités y compris celui des organismes de bienfaisance, même si Joan Anderson tient à nuancer. En effet, Mission Bon Accueil semble avoir réussi à traverser cette période dans des conditions relativement bonnes grâce aux capacités d’adaptation de l’équipe salariée et la motivation sans faille des bénévoles. Cependant, malgré le travail exemplaire fourni à la Mission durant la pandémie, Joan souhaite transmettre le message suivant : les ressources bénévoles sont vitales pour faire tourner les activités de l’organisme et malheureusement la pandémie a fortement diminué le bassin de bénévoles actifs. Cette crise nous montre le caractère essentiel du travail bénévole dans la gestion de la pandémie et des effets négatifs qu’elle a occasionné sur les collectivités.
This interview is part of a series on volunteering in Quebec during the COVID-19 crisis. Find all of the interviews of the series here:
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