La Fondation de l’UQAM se retire en douce des énergies fossiles

Par David Grant-Poitras , Candidat à la maîtrise, PhiLab
02 mai 2019

Alors que par le passé la Fondation de l’UQAMavait exclu de son portefeuille financier les industries du tabac et des armements, c’est maintenant au tour du secteur des énergies fossiles d’être éthiquement disqualifié des stratégies de placement de la fondation. Étant moralement incompatibles avec la lutte au réchauffement climatique et ne cadrant pas avec la mission d’enseignement de l’institution, les entreprises fossiles figurent désormais sur la liste noire de sa politique de placements. Cette décision, adoptée par le conseil d’administration de la Fondation de l’UQAM le 30 novembre 2017, a mené à la vente de la totalité des stocks placés dans l’industrie fossile. De plus, il est formellement statué que le capital de la fondation ne pourra plus jamais être investi dans ce secteur à l’avenir. Pierre Bélanger, le directeur général de la Fondation de l’UQAM, a accepté de nous rencontrer à son bureau pour témoigner de l’expérience de désinvestissement de son organisation.

Entamé en 2017 et terminé en 2018, le processus de désinvestissement des énergies fossiles de la fondation s’est déroulé sans heurts. Par souci de minimiser les risques potentiels liés à cette procédure, il fut décidé de faire un désinvestissement progressif à l’exemple de la stratégie adoptée à l’Université Laval, la première et seule université canadienne à s’être officiellement engagée à vendre tous ses actifs fossiles[1].

« On a fait un désinvestissement progressif pour ne pas se pénaliser, explique M. Bélanger. Nous sommes les gardiens des placements des gens qui donnent à la fondation. Nous avons donc une obligation de produire des rendements et on ne voulait pas non plus se tirer dans le pied en vendant nos stocks fossiles du jour au lendemain à n’importe quel prix. Il se trouve que finalement nous avons eu de bonnes opportunités et que nous avons pu nous en débarrasser au complet, en peu de temps. »

Celui-ci avoue même que le fait de n’être plus investi dans les énergies fossiles s’est avéré très louable lors du mois de janvier 2019 tandis que la bourse était en forte baisse. Le Comité de placement de la fondation rencontre plusieurs fois par année le gestionnaireour faire le point sur l’état des placements, et ce dernier leur a expliqué que le portefeuille de la fondation avait été relativement prémuni au cours de cette période de turbulence des marchés du fait qu’ils n’étaient plus investis dans les énergies fossiles. Bref, d’un point de vue strictement financier, le désinvestissement s’est avéré une décision judicieuse jusqu’à présent. « Je pense que présentement, ce ne sont objectivement pas de bons placements même pour une personne qui n’a pas de politique en ce sens », renchérit M. Bélanger.

Il faut dire que la Fondation de l’UQAM détient peu d’actifs, comparativement à d’autres fondations universitaires. Il est question d’environ 40 millions d’actifs, contre environ 340 millions et plus de 1,5 milliard pour les fonds de dotation de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. Même si Pierre Bélanger admet que la petite taille du portefeuille est quelque chose qui facilite la réalisation du désinvestissement, il n’est pas moins important de saluer ce geste, lequel témoigne d’une reconnaissance de l’urgence climatique et d’une prise de responsabilité à cet égard. Il s’agit aussi d’un geste appréciable par rapport à d’autres universités, souvent mieux dotées, qui continuent à tirer profit d’un secteur industriel hostile à la transition énergétique et écologique et décrié par une partie de plus en plus importante de la communauté scientifique.

Le directeur de la Fondation reconnaît que le désinvestissement exprime un positionnement éthique et politique dans le contexte actuel : « c’est un bon message à passer et nous nous devons de passer ce genre de message en tant qu’institution d’enseignement», affirme-t-il. Ceci dit, il est quelque peu regrettable que la fondation ait réalisé ses démarches de désinvestissement sans informer officiellement la communauté uqamienne et le grand public, alors que ce geste est tout à son honneur. Sur ce point, Pierre Bélanger indique que la Fondation de l’UQAM n’est pas assujettie à la Loi sur l’accès à l’information, comme le sont les organismes publics, et qu’elle n’est donc pas contrainte de rendre publique sa politique de placements ainsi que toutes modifications qui ont été apportées. Il s’agit somme toute d’un geste qui mérite à être placé sous les projecteurs et connu d’autres acteurs impliqués sur la cause des changements climatiques. Par exemple, à l’UQAM, nous retrouvons le Comité institutionnel d’application de la politique en matière d’environnement (CIME), lequel s’est donné pour mandat de sensibiliser les cotisants-es du Régime de retraite de l’Université du Québec (RRUQ) sur l’importance de désinvestir les placements du secteur extractiviste[2]. Le fait que la fondation ait emprunté cette voie représente un appui fort dans la démarche de mobilisation entreprise par ce Comité.

Au-delà des murs de l’UQAM, il faut aussi rappeler qu’il existe au Québec plusieurs campagnes menées par des étudiants-es auprès de représentants-es de leurs universités afin de désinvestir les fonds universitaires placés dans l’économie extractiviste[3]. Le fait que la Fondation de l’UQAM ait choisi de sortir son portefeuille des hydrocarbures n’est absolument pas anodin pour ces campagnes en quête constante d’appuis. Pour faire entendre raison à des administrateurs-trices gestionnaires de portefeuilles de placements qui ne se montrent guère intéressés-es à prendre le train du désinvestissement, il est tout à leur avantage de faire savoir que le mouvement, lui, ne cesse de progresser auprès des autres investisseurs institutionnels du milieu universitaire québécois.

Bref, par solidarité pour celles et ceux qui travaillent à l’avancement de la justice climatique, désinvestisseurs-es anonymes de tous les pays, manifestez-vous !

Cet article s’inscrit dans l’axe de recherche du PhiLab sur l’essor de pratiques issues de la « finance responsable » dans le secteur philanthropique. Il prend place au sein d’un dossier de recherche spécifiquement consacré au développement du mouvement de désinvestissement des énergies fossiles dans les universités québécoises. Il est le premier d’une série d’articles qui paraîtront périodiquement jusqu’en septembre 2019.

 

 

Notes de bas de page

1]Voir : https://www.ledevoir.com/societe/environnement/491741/l-universite-laval-s-engage-a-retirer-ses-investissements-des-energies-fossiles

[2]Voir : https://www.actualites.uqam.ca/2017/projet-mobilite-durable-uqam-ccmm

[3]C’est par ailleurs la campagne étudiante ULaval Sans Fossiles qui est à l’origine de l’engagement de désinvestissement pris par l’Université Laval. Voir : David Grant-Poitras (Novembre 2017). « Le désinvestissement des énergies fossiles dans les fondations universitaires : l’expérience d’ULaval sans fossiles », Blogue du PhiLab, [en ligne], URL : https://philab.uqam.ca/blogue-accueil/le-desinvestissement-des-energies-fossiles-dans-les-fondations-universitaires-lexperience-dulaval-sans-fossiles/.